[DEVISES] Quand les suisses prennent les choses en main

Publié le 16 Janvier 2015

- Rapide analyse.

___Comme prévu, les premières semaines de cette nouvelle année semblent être synonymes de chocs. Chocs sur les paires de devises et sur les matières premières principalement. Devises, parlons-en. A la fin de l’année, les anticipations sur une normalisation de la politique monétaire américaine a permis à sa devise de s’apprécier fortement, notamment face à l'euro. Les vendeurs de ce dernier ont par ailleurs été incités par la politique monétaire de la Banque Centrale Européenne  qui risque d’être encore plus accommodante qu’elle ne l’est aujourd’hui.

___Quelques jours auront suffi pour mettre la Federal Reserve au second plan, ou tout du moins pour le moment. Le 15 janvier, au matin, la Banque Nationale Suisse a décidé, contre toutes attentes, de supprimer le taux plancher fixé sur sa devise face à l’euro. Ce seuil était fixé à 1.20 CHF pour un euro. En d’autres termes, la BNS, étant consciente que sa monnaie soit une valeur refuge en cas de gros coups-durs – et pas seulement - avait limité l’appréciation de sa devise. Ceci aura finalement duré trois ans. L’orientation que prend et que souhaite prendre prochainement le président de la Banque Centrale Européenne, ayant favorisé la brutale chute de l’euro en l’espace de quelques semaines face à plusieurs devises, a conforté la BNS dans son choix d’abandonner le fait de laisser sa monnaie se contenir davantage. Résultat ? Secouez sans modération une bouteille de Coca-Cola, jusqu’à épuisement, ouvrez, admirez le mauvais spectacle. 

« You can’t beat the feeling »

Conséquences. L’annonce a été interprétée comme un cygne noir. Théorie développée par Nassim Nicholas Taleb, philosophe libano-américain. Pour faire simple, cette théorie définit le cygne noir comme étant un évènement imprévisible qui a une chance infiniment faible de se produire, mais accompagné d’effets considérables dans le cas contraire. La BNS en agissant sans concertation – semble-t-il – a provoqué un « mini-krach » pour ne pas dire « krach » sur les marchés financiers. Double conséquences. Tout d’abord les prêts contractés en franc suisse ne sont, évidemment, pas tirés d’affaires. La monnaie s’étant appréciée de 20 % en moyenne, impactera également sur le montant des mensualités dues. Toutefois, certains pays tirent leur épingle du jeu. Etats protecteur, disons-le. L’Autriche par exemple, a déjà réagi fermement à la dernière forte appréciation du franc suisse en 2008 en interdisant purement et simplement l’endettement en devise étrangère. La forte appréciation du franc suisse en 2008 était également constatée face au dollar et à l’euro. Sans réactions semblables à celle de l’Autriche. Des décisions qui peuvent à première vue apparaitre comme pénalisantes mais fortement félicitées et admirables quand le cygne noir fait son apparition.

Deuxième conséquence. Alors que l’euro touchait déjà ses plus bas historiques, la nouvelle n’a rien fait d’autre qu’amplifier la situation. On voit bien l’importance des anticipations des agents économiques dans le pricing. Le manque d’information, peut coûter très cher. Jeudi prochain, la Banque Centrale Européenne s’exprimera. Un rendez-vous très attendu. Son président, qui était déjà assez préoccupé par la situation macroéconomique de la zone euro (dont le manque d’efforts des Etats membres en matière de politique budgétaire) doit désormais, en plus de l’état du marché des matières premières et du taux d’inflation très faible, se préoccuper, pour changer, de l’avenir de la monnaie unique et fixer ses priorités - désormais nombreuses. La question que l’on peut se poser aujourd’hui est de savoir si le niveau de l’euro traduit bien les fondamentaux de la région monétaire. L’euro est-il désormais fixé à sa juste valeur (taux de change d’équilibre) ? Est-il encore surévalué pour rétablir une bonne compétitivité ? Ou alors, est-il devenu « faible ». J’ai à plusieurs reprises posé la question, savoir si l’euro pouvait désormais être considéré comme « faible ». Une devise faible sous-estime les fondamentaux d’une économie. Une sorte de perte de confiance en cette monnaie, qui incite au flight to quality (to the dollar ? to the swiss franc ?) . C'est le genre de situation que l’on a pu, par exemple, observer fin 2014, notamment face au dollar. La problématique mérite d’être posée quand, en l’espace d'environ sept mois, l’euro-dollar passe de 1.40$ à … presque 1.16$ ! Sommes-nous en train de nous (re)diriger vers une version plus moderne du « As good as gold » ?

___Cela laisse une corvée de plus pour Super Mario Draghi, sur qui tous les espoirs reposent. A la veille d’une politique monétaire de type bazooka « jamais vue » et au risque de se faire des ennemis, la BCE devra à présent prendre très au sérieux la question des devises. A se demander si le fait de limiter le taux d'inflation à 2% comme seul objectif dans un système financier où les interactions sont très - voire trop -interdépendantes est suffisant de nos jours. Peut-elle vraiment seulement se contenter d'un niveau d'inflation stable ? Des éléments de réponses à ces questions seront détaillés feront l'objet du prochain papier.

 

Par OUALID Zohra

@Zohra_1992

Rédigé par Eco-euro

Commenter cet article