Des remparts pas si solides que ça ...
Publié le 20 Juillet 2012
Comme vous le savez, la Banque Centrale Européenne est une institution indépendante chargée de contrôler la stabilité des prix et la politique monétaire via l'émission de liquidités – avec une inflation qui doit tourner autour de 2 % -. Une institution indépendante sous entend qu'elle doit être munie de hauts et solides remparts afin de ne pas se soumettre aux autres sphères d'influences telles que les politiciens, économistes et financiers de certains pays de l'Europe. Ce qui a été critiqué au début de la crise – surtout après la période chaude qu'à connu la Grèce – fut le rôle de la BCE ; un peu trop isolée au point d'être désintéressée du phénomène de contagion que traversait l'euro-zone – qui se produit toujours, évidemment – en ce milieu de crise. On disait que la BCE devait prendre exemple sur la Fed et ses opérations de QE sans avoir pensé aux différences de fonds entre ses deux institutions.
Aujourd'hui c'est différent. Ce qu'il se passe c'est que la BCE agit, ce qui est bien, au point d'être devenue trop imposante et commence à se faire influencer par certaines sphères que je citerai plus tard. En effet, après avoir abaissé le taux de dépôt et d'emprunt sous la pression des marchés – et qui n'a pas montré d'effets positifs pour le moment -, le FMI fait appel à Mario Draghi en lui suggérant de faire un nouvel LTRO – Long Term Refinancing Opération, c'est-à-dire injecter plus de liquidités dans l'économie afin de la redémarrer -. Alors que la BCE demandait plus d'efforts de la part de la ZE, voilà que les dirigeants se tournent encore et toujours vers leur prêteur en dernier ressort pour financer les institutions financières qui, une fois de plus, agonisent et – les banksters, osez le dire – qui se font beaucoup parler d'eux avec le scandale du Libor. En quelques mots, certaines banques auraient négocié sur les taux interbancaires auxquels elles empruntent mutuellement, les révisant à leur aise à la hausse ou à la baisse.
Revenons à la BCE. En ce qui me concerne, deux raisons majeures me laisse très perplexe face aux déclarations du FMI. Tout d'abord, Mario Draghi avait déjà essayé en ce début d'année 2012 d'injecter près de 1 000 milliards d'euros à l'économie afin de redémarrer la machine économique, en vain. Ce qui a été constaté, c'est que cette injection n'a pas trouvé le chemin vers l'économie réelle et les emprunts accordés n'ont pas été revus à la hausse. De plus, avec une politique budgétaire aussi restrictive, une politique monétaire laxiste pourra-t-elle être compatible ? Je reste dubitative. Reste à voir la position que pourrait prendre la BCE suite aux déclarations du Fond Monétaire International en espérant qu'elle sera la plus raisonnable possible. Si l'on exclu du raisonnement les vices des institutions financières – en gros, supposons qu'elles soient aussi vertueuses que Zadig – nous pouvons nous demander si un autre LTRO favorisera la croissance. Je m'explique, une politique budgétaire très restrictive – regardez celle de l'Espagne, la Grèce et la France aussi – incitera-t-elle les États à s'endetter davantage pour, par exemple, investir, embaucher ou encore subventionner ? J'en doute fort.
Autre objet d'inquiétude – on s'y attendait - : la déclaration d'Angela Merkel suite aux mesures prises lors du sommet de Bruxelles. Bien que les députés allemands aient accepté l'emprunt d'un montant maximum de 100 milliards d'euros pour venir en aide aux pauvres banques (!) espagnoles, Angela Merkel se dit " optimiste" mais pas "assurée" du projet européen. Tout d'abord, on ne peut qu'approuver. J'avais évoqué plusieurs fois qu'il n'y avait pas de quoi être optimiste après le Sommet des 28 et 29 juin, les grands mots étaient au rendez-vous, des perspectives, mais peu de discussions sur l'aspect pratique et des oppositions nombreuses les jours - et les semaines - qui ont suivi. Ajoutons que cette enveloppe de 100 milliards aidera le système financier et non l'État et que pendant ce temps, la population espagnole est en pleine contestation. Synthétisons, les banques ont vendu du rêve en accordant des crédits immobiliers aux ménages plus ou moins riches – trop de maisons tuent le business – et ce sont ces banques qui sont finalement secourues parce qu'elles détiennent encore trop de mauvais souvenirs – actifs toxiques -. Ces ménages qui ont été aveuglés pendant ces longues années se retrouvent, d'une part, privés de leur logement (une grande majorité) et d'autre part soumis à des plans austérités dur comme fer avec des hausses de taxes et des baisses de leur revenu quand il ne le faut pas. Bon, soyons optimiste, la Commission Européenne a salué le plan de Mariano Rajoy en estimant qu'il " aidera le pays à atteindre ses objectifs en matière de réduction des déficits budgétaires". On ne peut qu'approuver et s'aveugler devant cette déclaration qui montre que l'idéologie illusoire est toujours bel et bien présente.
Quand est-ce que l'on ouvrira vraiment les yeux et que l'on se focalisera sur un point de vue purement utilitaire sans pour autant être "nocivement" laxiste ? C'est une des grandes questions d'aujourd'hui ...