Bubblecovery?

Publié le 1 Septembre 2014

Pour ce billet, j'ai souhaité apporter une petite touche d'originalité et interroger directement un analyste économique et investisseur indépendant américain qualifié de "bubbleologist" par de nombreux journalistes financiers. A la fois influent, controversé et reconnu (notamment par The Times of London) pour ses analyses portant sur la formation et la croissance de bulles, Jesse Colombo fut d'après moi la personne idéale à interroger. L'idée étant d'obtenir un avis d'outre-Atlantique sur l'orientation monétaire que prend la Banque Centrale Européenne - sur le modèle de la Federal Reserve.  Après de nombreuses hésitations (n'étant qu'une simple étudiante désirant interroger un analyste reconnu pour avoir prédis l'éclatement de la bulle immobilière de 2008) et après sa réponse favorable à ma demande, j'ai le plaisir de vous partager au cours de ce billet ses réponses à mes quelques (brèves) questions posées. 

   Les récentes politiques monétaires conduites par les grands banquiers centraux ont pour point commun la flexibilité sur fonds de tensions géopolitiques grandissantes. Il n'est pas utile de mentionner une nouvelle fois les nombreux risques face auxquels les investisseurs sont exposés mais il n'est toutefois pas anodin de souligner que le recours à la politique monétaire est devenu indispensable dans le but de mettre de l'huile l'eau sur le feu. Expansionniste pour certains, restrictive pour d'autres, la politique monétaire ne laisse plus aucun agent économique indifférent. Sans vouloir rentrer dans les détails – cf. billet précédent – les facteurs relevant de la géopolitique font certes tâches d'huiles sur une Eurozone sur le chemin de la reprise (?) mais ne laissent pas pour autant à penser que tout est perdu.

En effet, si l'on se focalise sur la politique ultra-accommodante de la Banque Centrale Européenne (que ce soit par les mots ou par les faits), il est intéressant de noter que la monnaie unique évolue dans un canal baissier contre le dollar américain (autour de 1.3138 $). Ceci peut être bien interprété et considéré comme une bonne nouvelle si l'on a gardé en tête les préoccupations que Mario Draghi avait émises sur l'appréciation de l'euro. La dépréciation de ce dernier n'est pas entièrement liée aux anticipations faites sur la future orientation monétaire de la BCE mais plus spécialement à celles des agents américains sur la probable hausse des taux par la Federal Reserve. J'ai écrit précédemment et avec humour qu'une belle dépendance allait s'installer entre Janet Draghi et Mario Yellen, une dépendance tirée par des politiques certes opposées mais surtout complémentaires. Nous y sommes. De plus, nous pouvons souligner que selon la BCE, les conditions d’octroi de prêts aux entreprises se sont assouplies dans un contexte « désinflationniste », une première depuis mi-2007.

Une chose est sûre, la rentrée s'annonce mouvementée, que ce soit sur le plan politique ou économique. Cet été, le rôle des banquiers centraux a été de faire converger les anticipations à l'aide d'allocutions qui se résument à « Passez de bonnes vacances. Le reste, plus tard. ». A quoi devons-nous nous attendre ? A une monnaie qui saluera ses plus bas historiques ? A des politiques qui continueront de créer et détruire simultanément des bulles sur les marchés financiers mondiaux ? Jesse Colombo, que j'ai eu l'opportunité et le plaisir d'interroger, nous donne son point de vue sur ces questions. Mr. Colombo est un analyste économique et un investisseur indépendant américain. Il a notamment été reconnu par The Times (London) pour avoir prédit l'éclatement de la bulle immobilière de 2008 et l'effondrement du marché boursier.

                     

Êtes-vous de ceux qui pensent que nous sommes dans une bulle spéculative ou du moins pas encore?

J.C: Oui, nous pouvons constater une bulle mondiale : au Canada, en Australie, en Chine, sur les marchés émergents, sur le marché obligataire mondial, sur celui de l'enseignement supérieur américain, sur le marché des start-up technologiques et certaines régions du marché immobilier américain. Les banques centrales alimentent cette bulle via leur politique de taux bas et de quantitative easing. Cela crée une reprise temporaire que j'appelle « Bubblecovery » ou « reprise économique axée sur la bulle ». Je ne vois pas d'éclatements imminents mais plus probablement dans les prochaines années.

Certains analystes anticipent un renforcement de la monnaie américaine ( 1.3100$ voire 1.2700$) dans un futur proche. Qu'en pensez-vous ? A quel niveau voyez-vous la devise à long-terme ?

J.C: Je n'anticipe pas sur des mouvements de marché à court-terme mais il est fort possible que le dollar continue de se raffermir face à l'euro si la Federal Reserve poursuit la réduction de son Q.E et si la Banque Centrale Européenne lance un QE européen. Par ailleurs, ces anticipations sont déjà ancrées dans les comportements de marchés car le dollar s'est renforcé au cours de ces derniers mois.

En ce qui concerne Mario Draghi, ses récentes annonces en matière de politique monétaire vont-ils permettre selon vous de relancer la machine économique ?

J.C: Je ne crois pas que ces politiques nous conduiront à une véritable reprise économique durable, mais qu'elles mèneront à la bubblecovery mondiale ou la reprise tirée par la bulle. Il y a déjà des signes de nouvelles bulles immobilières en Irlande et en Espagne ainsi que sur de nombreuses obligations souveraines européennes. En fin de compte, je pense toujours que le pire de la crise de la dette en zone euro est à venir.

Pour finir, beaucoup d'économistes et (moi-même) ont souligné le rôle des anticipations des agents économiques. Nous sommes actuellement constamment alimentés par des allocutions, des rapports et les marchés sont attentifs à la forward guidance. Pensez-vous que ce « manque » d'asymétrie d'information pourrait perturber l'efficacité des politiques monétaires ?

J.C: A l'heure actuelle, je pense que la plupart des agents économiques sont trompés par les banques centrales à en croire que nous avons une véritable reprise économique, cela peut déjà être considéré comme une forme d'asymétrie d'information. Beaucoup fondent leurs décisions sur de faux signaux car ils croient encore que les banques centrales ont le meilleur intérêt des citoyens à l'esprit, même si ce n'est pas le cas.

 

Retrouvez Jesse Colombo → sur Twitter: @TheBubbleBubble,

                                                 → sur son site web : http://www.thebubblebubble.com/

                                                 → sur Wikipedia: http://en.wikipedia.org/wiki/Jesse_Colombo

Rédigé par Eco-euro

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